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  • Jehanne Allier, de la Belle Époque aux Années Folles

Jehanne Allier, de la Belle Époque aux Années Folles

Jehanne Allier vers 1913

Coll.Arch.Mun. 45Fi12



A travers des correspondances et les photographies d’albums de famille du fonds Pierre Allier (don d’Alain Le Grand) de la collection des Archives municipales et communautaires de Quimper, voici des morceaux de vie d’une Quimpéroise qui traverse le début du XXème siècle, marquée par la Grande Guerre, en quête d’émancipation.

L'enfance de Jehanne Allier

Jehanne et sa mère Louise Autrou vers 1900
Jehanne et ses frères Pierre et Marcel vers 1902

Coll. Arch. Mun. 45Fi226 et 45Fi234




Jehanne Allier est née à Saumur en 1893.

Elle est la fille d’Adolphe Allier originaire du Gard et de Louise Autrou, fille d’un sculpteur sur bois de Quimper de la fin du XIXe siècle.

En 1896, Adolphe, professeur au collège qui a eu, entre autres, le peintre Villard comme élève, prend sa retraite et, avec sa femme, choisissent Quimper pour dernière demeure, Jehanne à 3 ans.


Jehanne grandit à la Villa des Glycines impasse de l’Odet, entre la gare et la rivière. Elle est une bonne élève, tout comme ses frères, Pierre qui réalise des études de droit et Marcel qui devient chirurgien-dentiste.


Catherine Michelet, la domestique habite avec les Allier. Ils ont pour voisin un certain Joseph Mitterrand qui n’est pas encore le père du président.


En 1904, son grand frère Pierre initie la République Glacièroise où chaque membre de la fratrie et des camarades de collège occupent un poste à responsabilités dans cette « société secrète » de potaches. Leur mascotte est une chèvre noire. Il se murmure alors que ces nouveaux républicains seraient à l’origine de quelques coups d’éclat relayés dans la presse locale.


Prix d'honneur de Jehanne
Catherine Michelet, la domestique Quimpéroise de la famille Allier
La République Glacièroise défile devant la Villa des Glycines entre 1904 et 1906

Coll.Arch.Mun. 22J129, 45Fi172,45Fi264

Jehanne dans le jardin
Jehanne au concours hippique sur le Champ de Bataille en 1908

Coll.Arch.Mun. 45Fi562, 45Fi269

A la fin de la Belle époque, en 1913, Jehanne fête ses 20 ans

Jehanne en costume de l'île de Sein, photographiée par Etienne Le Grand, à la fête foraine et en walkyrie

Coll.Arch.Mun. 45F1248, 45FI197 et 45Fi526

Jehanne profite de la vie, sort avec ses amies, immortalise son passage à la fête foraine.


Elle se déguise en walkyrie pour les gras, en bretonne de l’Aven ou de l’Ile de Sein pour se faire photographier chez Etienne Le Grand et Joseph Villard.

Jehanne au stand de tir à la fête foraine vers 1913. Photomontage en vogue dans les années 1900-1920.

Coll.Arch.Mun.45Fi127

Les photographies possèdent un dos imprimé de lignes matérialisant l’espace de correspondance et celui de l’adresse, comme une carte postale. Il est d’usage de s’échanger par la poste des portraits tirés à plusieurs exemplaires.

Cette photographie des cinq jeunes femmes a marqué les esprits à Quimper
Lettre de Jehanne adressée à son frère Pierre

Coll.Arch.Mun. 45Fi242, 22J118

Les cartes d'adhésion à la Société Philarmonique 
Jehanne devant son chevalet

Coll.Arch.Mun. 22J118, 45Fi477

Jehanne s’adonne à la musique, pianiste, elle accompagne la Chorale Quimpéroise

Elle pratique également la peinture et demande des couleurs à son frère qui est à Paris.

Lettre du 7 avril d'Adolphe à Pierre

Coll.Arch.Mun. 22J118

1913, c’est aussi l’année où Jehanne reçoit des demandes en mariage…

Elle éconduit Lepage, un ami de son frère Marcel comme nous l’apprend son père dans une lettre à Pierre

Lettre du 29 avril 1913 d'Adolphe à Pierre
Photographie de Jehanne et ses parents

Coll.Arch.Mun. 22J118, 45Fi657

Puis le 29 avril 1913, Adolphe relate que Jehanne refuse une nouvelle d’un jeune homme : Maurice Deroux qui de dépit, semble-t-il, s’engage pour l’Afrique au grand dam de ses parents.

Jehanne Allier et la grande guerre

Lettres d'août 1914 de Jehanne à Pierre

Coll. Arch. Mun. 22J129

Des lettres enflammées de patriotisme circulent dans la famille Allier dans les premiers mois de la guerre. 

Jehanne Allier

Adolphe Allier évoque les blessés arrivant à Quimper en 1915 et le « dévouement admirable » de Jehanne qui est devenue infirmière à l’hôpital de la Retraite.

Puis les lettres suivantes annoncent les morts.

Jehanne infirmière

Coll.Arch.Mun. 45Fi241

Lettre à Jehanne du 3 juillet 1918
Jehanne avec un soldat américain basé à l'île Tudy en 1917
Jehanne infirmière

Coll.Arch.Mun. 22J129, 45Fi426, 45Fi488

Jehanne a aussi des prétendants durant la guerre. Elle a conservé une lettre émouvante.

Jehanne infirmière

Coll.Arch.Mun. 45Fi245 (détail)

Lettre de Jehanne à Pierre
Pierre dégustant le fameux pâté
Jehanne et Georgette au volant de l'automobile

Coll.Arch.Mun. 45Fi18,45Fi430,J129, 45Fi235

Les femmes travaillent, organisent la vie et envoient des colis aux deux frères engagés dans le conflit. Georgette Lavergne est dentiste comme son mari Marcel Allier. Elle est amenée à se déplacer en voiture. Pour la nouvelle année 1916 ou 1917, c’est un pâté de lièvre, écrasé par l’automobile, qui fait le bonheur de Pierre.

Après la guerre

 



Le 8 aout 1918 Adolphe, le père de Jehanne meurt. La guerre finie, elle quitte Quimper et entame des études à Paris pour devenir chirurgienne dentiste. Mais elle ne délaisse pas la Bretagne pour autant, ni son gout pour la fête et elle aspire à une vie libre et sans regret. Le 1er février 1920 elle écrit : « Je ne regrette aucun parti que j’ai refusé jusqu’ici, ce n’est pas que je sois opposée au mariage mais j’entends me marier à mon goût ou pas du tout ». 




Coll.Arch.Mun.45Fi436 (détail)

Jehanne chasse le lapin à Ouessant au début des années 1920

Coll.Arch.Mun. 45Fi251

Jehanne pique-nique avec sa nièce vers 1919

Coll.Arch.Mun. 45Fi07

Jehanne à la plage avec des amies au début des années 1920

Coll.Arch.Mun. 45Fi481

Jehanne se marie à 43 ans en 1936 en ayant cultivé son indépendance et son franc-parler.

 

Pour exemple, Jehanne donne son avis au commissaire de l’enquête d’utilité publique concernant le réamenagement des quais de l’Odet en 1963. Comme nombre de vieux Quimpérois, elle signifie clairement aux édilités locales la volonté de conserver les magnolias et les jardins en bordure de la rivière :

 

Au nom des Quimpérois aimant leur cité, je proteste avec véhémence contre le projet insensé de détruire les jardins et les arbres en bordure de l’Odet pour en faire un boulevard.

Ce ravalisme n’arrangera rien à la circulation […] Ces passerelles sur l’Odet conduisant à ces jardins fleuris faisaient l’originalité de Quimper et frappaient les touristes y venant pour la 1ère fois. Quand il y aura à la place un boulevard insipide comme on en voit dans toutes les villes Quimper perdra une grande partie de son charme et de son attrait... Il est impensable que ce soit de vrais quimpérois qui aient décidé d’un tel projet et tous ceux qui ont un sens artistique ne peuvent que le déplorer. […] Il n’y aurait pas plus de raison de démolir la cathédrale pour en faire un parc à autos ou de couvrir l’Odet jusqu’à Bénodet pour construire une autostrade sous prétexte d’améliorer la circulation. Je fais des vœux pour que notre vénéré Santik Du éclaire les gens compétents en ce qui concerne ce sinistre projet.

 

Jehanne s’éteint à Quimper en 1980 à l’âge de 87 ans.

Crédits

Conception et textes : Simon Jourdan

Ressources : Archives municipales et communautaires de Quimper. Fonds 19J, 22J et 45Fi.