La ville de Quimper, siège du Présidial avait autrefois ses bourreaux particuliers chargés d'exécuter les sentences. Ils se succédaient dans leur charge, parfois de père en fils. Depuis le milieu du 18ème siècle ils se recrutaient en particulier dans une famille : Les Gloaer (au fils du temps le nom s'écrit tour à tour : Le Gloaer, Glouaer, Gloaher...) . Ils demeuraient rue des Réguaires paroisse de la Chandeleur, rue alors située en dehors des murailles de la ville.
Le bourreau de Quimper possédait avant la Révolution un traitement annuel de 600 livres par an. Il recevait une gratification particulière de 60 livres pour rouer un condamné. Chaque pendu lui rapportait également 30 livres. Le tarif pratiqué pour donner le fouet ou marquer au fer rouge un condamné était de 10 livres. Les jours d'expéditions des sentences et jugements de mort, le bourreau percevait un droit de coutume sur les bêtes qui étaient vendues sur le marché de Quimper. Ce droit coutumier lui valait la rancune tenace de nombreux éleveurs et marchands.
Les condamnés étaient souvent exposés au pilori dont on a retrouvé les fondations place Saint-Corentin. Le gibet des pendus était placé sur le Mont-Frugy, manière de Golgotha quimpérois que les condamnés devaient sans doute gravir avec beaucoup de fatigue après avoir eu à subir du bourreau la question ordinaire et extraordinaire.
La plus célèbre criminelle du 18ème siècle exécutée à Quimper reste la fameuse Marie Tromel, mieux connue sous le nom de Marion du Faouêt. C'était le 2 août 1755. Son bourreau se nommait Jacques Gloaer. La dynastie Gloaer se poursuivit dans la personne de Maurice Gloaer. Maurice Le Gloaer avait débuté dans le sinistre office de bourreau vers 1760. Il y travaillait « en famille » avec notamment Hervé Gloaer ou Le Glaouer, son frère.
Hervé Le Gloaer succéda à Maurice. Il débuta d'abord comme assistant puis comme exécuteur en chef à partir de 1793. A la Révolution, Hervé Le Gloaer obtint de la Nation un salaire de 2400 francs qu'il partagea avec son aide du moment, un certain Joseph Facho (le bien nommé...) et qui exerçait avec lui depuis environ quatre ans.
Les révolutionnaires parisiens adoptèrent la guillotine en septembre 1792. Les bois de justice avaient été adressés de Paris à Quimper à la fin de 1792. L'histoire rapporte que trois hommes travaillèrent à la mise au point de la guillotine : le docteur Guillotin qui lui laissa son nom, le docteur Louis et un facteur de pianos du nom de Tobias Schmidt qui en devint le fabriquant. Ce fut l'un de ses exemplaires qui arriva à Quimper.
La guillotine fut entreposée dans la chapelle Saint Louis. Machine plus expéditive que la corde, Gloaer ne tarissait pas d'éloge sur elle.
Les capacités du bourreau de Quimper à manœuvrer cette nouvelle machine ne manquèrent pas néanmoins d'inquiéter les autorités locales.
Le recrutement d'un bourreau adjoint fut évoqué dans un rapport du 3 Prairial An II adressé à la commission administrative du Finistère à la suite d'une pétition du sieur Gloaer, exécuteur des jugements criminels dans le département du Finistère qui réclamait un assistant.
Le rapport précisait « Jusqu'à ce moment (3 prairial an 2) il [Gloaer] n'avait pas eu d'aide mais son grand âge lui en rend au moins un indispensable, et nous pensons que vous devez lui enjoindre de s'en procurer dans les meilleurs délais. Ses opérations quoi que peu multipliées jusqu'à présent, peuvent l'être par la suite, et la guillotine, inventée pour abréger le supplice des condamnés, devient entre ses mains débiles un instrument plus cruel que les anciens gibets »
Fort heureusement pour ses pratiques, la chute de Robespierre, un mois plus tard, mettait fin à la Terreur.
En 1794, le bourreau réclama cependant encore un aide supplémentaire. Il avait en effet attrapé un tour de reins en guillotinant des prêtres réfractaires. Depuis la Terreur, la guillotine était devenue un instrument de gouvernement.
Le fils du bourreau Maurice Gloaer, Hervé Joseph Gloaer, né en 1781, suivit la profession de son père et de son oncle Hervé pour lesquels il travailla comme aide dès son enfance. Il prit sa retraite pour épouser en 1824 la fille d'un forgeron.
Germain Benoist lui succéda dans cette funèbre charge d'exécuteur public. Benoist, né à Paris en 1794, était le fils de Michel Benoist ancien bourreau et exécuteur public de Paris qui avait fait rouler de nombreuses têtes aristocratiques pendant la Révolution. En 1817 Germain Benoist était exécuteur provisoire de Quimper. Il fut, selon toute probabilité, « titularisé » dans ces fonctions.
En 1835, Claude Desmarets, exécuteur des arrêts criminels lui avait succédé. Il était, en 1821, le bourreau de Dijon et avait fait ses armes avec le célèbre bourreau de Paris Deibler. Le sieur Desmarets demeurait 5 rue Sainte-Catherine avec sa femme et ses deux enfants. Il devint bourreau régional en 1849. Il excerçait encore son office en 1856.
Les bourreaux de l'Ancien Régime habitaient traditionnellement en dehors des murs de la ville. Exerçant une profession abhorrée de tous, ils ne trouvaient pas facilement d'épouse ni de parrains pour leurs enfants ou alors ne se mariaient qu'après s'être retirés du service.
A la Révolution la guillotine était installée sur le plateau de la Déesse. Au XIXème siècle, les exécutions des condamnés avaient lieu sur la place de Mesgloaguen, près de la prison où étaient alors dressés les bois de justice. Elles rassemblaient une foule de badauds attirés par un spectacle morbide que certains trouvaient cependant édifiants.
Parmi les condamnés à mort exécutés au petit jour à Quimper au court des XIXème et XXème siècles l'on peut citer notamment Clet Le Cochénec exécuté le 15 décembre 1818, Gabriel Le Goff, en 1841, le maréchal ferrant Yves Le Goaer le 22 juillet 1843, Henri Colin le 15 mars 1854, Paul Faine le 14 avril 1888, Jean Combot le 2 février 1893, Victor Malavoi en 1898, Yves Hervé en1921.
Yves Floch fut le dernier condamné à mort à avoir eu la tête tranchée à Quimper, c'était le 5 août 1930. Le 17 novembre 1945, un autre assassin, le docker brestois Joseph Elies était fusillé à Quimper, au champ de tir d'Ergué-Armel sur le Frugy, la guillotine ne pouvant alors être déplacée à Quimper, les autorités eurent alors recourt au peloton d'exécution.
Ce fut la dernière exécution judiciaire d'une condamnation à mort à Quimper.
L'acte de décès dressé par l'officier de l'état civil ne spécifie jamais les conditions de disparition du défunt.
La France a définitivement aboli la peine de mort le 18 septembre 1981.
Bruno Le Gall
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