La célébrité personnelle s’acquiert parfois au dépend de sa propre estime. Pour nombre de personnes, Elie Fréron est surtout connu pour avoir inspiré au patriarche de Fernay (Voltaire) la création de l’un des épigrammes les plus célèbres de la langue française. Bien des générations de lycéens l’ont lu et en ont certainement souri.
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L’autre jour au fond d’un vallon
Un serpent piqua Jean Fréron
Que pensez vous qu’il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva.
Quel était l’homme qui mérita un si méchant jugement de la part du philosophe du siècle des Lumières ?
Le 20 janvier 1718, Elie Fréron est né, rue Obscure, du maître orfèvre quimpérois Daniel Fréron et de Marie-Anne Campion, fille d'un notaire de Pont-l'Abbé.
Elie Fréron débute ses études au collège de Quimper. Elève prometteur, il est doté d’une excellente mémoire. Remarqué par ses professeurs, il bénéficie de l’appui du Père Bougeant, qui parvient à le faire entrer en 1734 au collège royal Louis Le Grand à Paris où il lui enseigne l’histoire et les belles lettres. Il y suit également les cours de rhétorique administrés par le Père Porée,ancien professeur de Voltaire qui le tenait en haute estime.
Après quelques années de professorat, Elie fréron fait l'apprentissage de la critque auprès de l’abbé Desfontaines alors à la tête de la revue Observations sur quelques écrits modernes dont l’ennemi désigné est Voltaire. Il collabore également à l’édition de Marie Stuart (1742) avec l’abbé de Marsy.
En 1743, Les Observations sont supprimées par le Conseil d’Etat à la suite d’une attaque de l’abbé Desfontaines à l’encontre de l’Académie.
Deux choix s’offrent à Elie Fréron : la critique littéraire ou la poésie pour laquelle il se passionne…
En janvier 1749, Fréron publie Les lettres sur quelques écrits de ce temps. Fréron fait la critique de Denys le tyran premier essai tragique de Marmontel, le protégé de Voltaire. Les hostilités entre Voltaire et Fréron sont désormais ouvertes : par critiques interposées, les deux auteurs s’en prennent l’un à l’autre. Le 15 mars, les feuilles de Fréron sont supprimées sur ordre du chancelier d’Aguesseau, ami du philosophe éclairé. Les Lettres sur quelques écrits de ce temps reprennent cependant en 1750 jusqu’à l’année 1751 où un nouveau scandale éclate entre Voltaire et Fréron.
L’année 1754 marque la naissance de l’Année littéraire, ouvrage que Fréron qualifie « d’important, lucratif et glorieux ». Ayant rompu son contrat qui le liait à Duchesne, il travaille désormais avec le libraire Lambert. La première feuille de l’Année littéraire paraît le 3 février. A travers cette œuvre, Elie Fréron y combat surtout les philosophes de son temps réunis autour de Diderot et son Encyclopédie. Fréron devient le chantre des traditions littéraires et religieuses du Grand Siècle. Le succès est immédiat et l’Année littéraire devient au fil des ans une revue puissante et redoutée.
Ainsi en 1760, une grande bataille éclate entre Fréron et Voltaire à la suite d’une comédie de Palissot appelée les Philosophes qui ridiculise la doctrine de l’Encyclopédie. C’est à cette époque que Voltaire compose Le pauvre diable où Fréron y est qualifié de « vermisseau né du cul de Desfontaines ». C’est aussi l’année où est jouée la comédie l’Ecossaise écrite par Voltaire sous le pseudonyme de M. Hume. Fréron y est représenté sous les traits du personnage Wasp (frelon ou guêpe en anglais). La pièce, traduite en plusieurs langues, va connaître un succès inattendue en Europe. Mais la haine qu’entretienne les deux hommes va perdurer encore longtemps sous la forme de petites phrases assassines et de vers destructeurs. En 1763, Voltaire écrira le fameux épigramme « L’autre jour au fond d’un vallon… ».
Fréron va diriger L’Année littéraire jusqu’à la fin de sa vie. Son journal lui a apporté renommée et fortune. Au cours des années 1770, il publie son Histoire de l’Empire d’Allemagne (1771) en 8 volumes. L’Année littéraire va connaître des difficultés financières et des suspensions répétées. Fréron est malade et décède peu de temps la suppression de ses lettres, le 10 mars 1776 à Montrouge (actuelle département des Hauts-de-Seine).
Le 21 janvier 1751, Fréron épouse à Paris sa nièce Thérèse Jacquette Guiomar. De cette union naît en juin 1753 une fille prénommée Anne Françoise. En août 1754 naît un fils, Stanislas dont le parrain n’est autre que le duc de Lorraine. Elie Fréron devient veuf en 1762. Il se remarie à Pont-l’Abbé quatre ans après avec Marie-Anne Royou, fille de son cousin.
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