Née dans la paroisse de Saint-Julien à Quimper, le 31 janvier 1762, Anne-Marie est la fille de Guillaume-François Audouyn, homme de loi et de Louise-Elisabeth Taupin. Elle est instruite à l’abbaye de Kerlot qu’elle quitte en 1786 pour épouser François- Hyacinthe de Pompéry, lieutenant de la maréchaussée affecté en Bretagne. De cette union, naissent trois enfants entre 1787 et 1799.
Peu après son mariage, le couple s’installe dans une maison de la rue Obscure. Madame de Pompery ne semble pas s’y plaire, trouvant la maison sombre dans un quartier qu’elle qualifie d’affreux. En 1789, son époux loue une maison au bourg de Penhars à madame de Madec, veuve du Nabab René Madec. Dès le 20 avril 1790, madame de Pompéry quitte sa maison quimpéroise pour s’y installer. A Bernardin de Saint-Pierre, l’auteur de Paul et Virginie, elle écrit : « J’habite une petite campagne simple, mais riante. Ma chaumière est sans tapis au-dedans, mais la nature lui en a donné de superbes au-dehors. J’ai autour de ma maison de jolis bosquets qui ne m’appartiennent pas, mais qui jamais ne me refusent leur ombrage ». A Penhars, elle vit modestement et ne s’habille désormais que pour aller en ville ou à une fête.
En 1790, pendant la vague d’émigration, elle doit regagner Quimper car on soupçonne le couple de s’attarder à Penhars pour y préparer son départ. Avertis que le comité de surveillance de Quimper prenait ombrage de leur absence, ils regagnent alors la cité. Madame de Pompéry rejoint son logis de Penhars en août 1792, mais bientôt, son mari ayant été réformé, ils abandonnent Quimper pour le Séquer dans la banlieue de Pont-l’Abbé.
A Quimper, le couple Pompéry entretient des relations d’amitié avec quelques familles de la noblesse cornouaillaise telles les Penfeunteunyo, les Aleno de Saint-Alouarn ou encore la famille de Silguy. Elle est aussi très proche de Mademoiselle du Marac’hallc’h, la belle-sœur de monsieur de Pompéry et marraine de Louis-Charles, son fils aîné.
On connait surtout madame de Pompéry pour ses talents d’épistolaires. Ses lettres ont d’ailleurs été publiées une première fois en 1884 par son petit-fils Edouard de Pompéry, essayiste et journaliste politique sous le titre Un coin de la Bretagne sous la Révolution. A travers celles-ci, elle livre un tableau de la vie quotidienne des classes privilégiées en Cornouaille pendant la Révolution. C’est aussi à travers sa correspondance que l’on découvre sa vie et ses passions.
Parmi les destinataires de ses lettres figure Bernardin de Saint-Pierre avec lequel elle échange pendant de longues années sur la musique. Mais celui à qui elle écrit le plus c’est son cousin Augustin Audouyn de Kergus pour lequel elle ressent des sentiments amoureux qui ne semblent pas être partagés. Elle partage cependant avec lui sa passion pour la musique et ils n’hésitent pas à s’entre-aider quand l’un ou l’autre a besoin de fournitures musicales et de conseils.
Madame de Pompéry s’essaie, elle-même à l’écriture, il lui arrive de composer quelques « bouts-rimés » au fil de sa correspondance.
Elle cite aussi de nombreux auteurs comme Socrate ou Saint-Augustin. Dans sa bibliothèque trônent l’Iliade et l’Odyssée, les fables d’Esope et l’art poétique de Boileau qu’elle enseigne à ses enfants. Elle connait La Fontaine, Pascal, La Rochefoucauld et La Bruyère. Elle fait également référence à madame de Sévigné.
Elle aime particulièrement les auteurs de théâtre comme Corneille et Racine. Elle fréquente d’ailleurs assidument la Comédie et évoque dans ses correspondances, les séances théâtrales données à Pont-l’Abbé et à Quimper : «… On se divertit merveilleusement à Quimper. Le spectacle est très suivi et l’on s’y étouffe […] J’ai été au spectacle, invitée, s’il vous plaît, par la société dramatique et placée honorablement dans la loge privilégiée des acteurs».
Elle est également abonnée à plusieurs journaux littéraires comme le Mercure ou le Journal littéraire. Grâce à eux, elle se tient au courant des nouvelles parutions et découvre de nouveaux auteurs. Mais son auteur préféré reste Bernardin de Saint-Pierre dont elle connaît toute l’œuvre.
Anne-Marie de Pompéry ne semble pourtant pas sensible à l’œuvre des encyclopédistes, à Rousseau ou Beaumarchais. Elle n’apprécie guère non plus Voltaire et les philosophes des Lumières.
Son goût pour les arts vient probablement de l’éducation qu’elle reçoit à Kerlot. De Son père, elle a hérité de l’amour de la musique. Madame de Pompéry joue fort bien du piano-forte, de la guitare, de la harpe, du clavecin et de l’orgue. Elle donne des cours et des conseils à plusieurs de ses connaissances et s’occupe aussi de l’éducation musicale de son fils Charles. Elle se rend régulièrement à Brest pour assister à des opéras et des concerts.
Elle aime particulièrement s’entourer de personnes ayant la même passion qu’elle pour la musique comme mademoiselle de Carné. Elle tient souvent salon à Quimper et à Penhars où elle invite parfois des officiers en garnison à Quimper à venir exprimer leur talent de musicien. On compte aussi parmi ses amis « musiciens », l’ingénieur Detaille et le sieur Castaing, contrôleur des Domaines, peintre à ses heures. Ce dernier a d’ailleurs réalisé une miniature de Madame de Pompéry devant son piano-forte.
Anne-Marie de Pompéry parle peu du contexte politique de son époque. Comme le dira très justement son petit-fils, ce n’est pas dans ses lettres qu’on pourrait apprendre l’histoire de la Révolution et s’en faire une idée.
Quand elle s’installe à Penhars en avril 1790, elle évoque surtout la joie de « voir traire mes vaches, je joue du forte-piano, je chante des romances, je relis les études de la Nature M. de Saint-Pierre et ….je n’entends pas parler de politique, article très essentiel au bonheur de ma vie. »
« Je ne puis me résoudre à quitter Penhars, […] ; ici la politique ne vient pas obscurcir la sérénité de nos beaux jours… »
Cependant, elle commente de temps à autre, les décisions qui touchent directement son quotidien et notamment celles concernant l’Eglise : « De tout ce qu’a fait l’Assemblée Nationale, le coup qu’elle a porté au clergé est le seul qui ait retenti dans mon cœur. Mon frère [aumonier de Kerlot, ndlr] y perd tout. » Et de poursuivre dans une autre lettre : « Des amis, démocrates même, m’ont dit qu’il ferait très bien, non seulement de quitter Kerlot, mais Quimper etc., car la proscription est générale. ». En 1791, elle écrit encore à propos du clergé qu’elle espère : «que le nouveau décret qui attire encore l’orage sur les malheureux prêtres sera couvert pour quelques temps du veto. […] On les fait envisager au peuple, par le refus du serment civique, comme perturbateurs et ennemis de la loi du royaume. »
Malgré sa réticence à parler politique, elle se tient au courant des évènements nationaux et s’en inquiète parfois. Mais c’est surtout, les nouvelles qu’elle reçoit de Quimper qui occupent son esprit lors de l’expulsion des dames de Sainte-Catherine : « Aucunes d’entre-elles n‘ont voulu quitter leur maison, et, pour prix de leurs services et de leurs vertus, on travaille à les en chasser […] Je ne ris plus que du bout des lèvres. J’ai toujours devant les yeux le tableau de la vertu persécutée ».
Elle décrit Quimper comme une ville remplie de troubles. Elle évoque à plusieurs reprises dans ses lettres le « club » de Quimper (sans doute le comité de surveillance) dont l’omniprésence dans la vie politique semble faire peser sur la ville et les citoyens une pression insupportable.
En 1792, elle quitte Quimper pour le Séquer et en novembre 1793, alors qu’elle vit à Pont-l’Abbé, elle est arrêtée par le Comité de surveillance et conduite au château de la ville où elle réside avec une quinzaine de personnes. Elle y reste environ trois semaines puis est libérée. Son père le sieur Audouyn a été lui aussi conduit à la maison d’arrêt de Quimper à la même période et en sort fin janvier 1794.
Au-delà des évènements politiques de son temps, Anne-Marie de Pompéry dépeint surtout la vie et les mœurs innocentes d’une aristocratie provinciale quelques peu désemparée face aux troubles de la Révolution.
Elle quitte définitivement sa Cornouaille natale en 1805 pour la Picardie et décède à Soissons le 21 avril 1820.
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